Un de perdu, 10 de retrouvés.
- Caroline C.
- 14 août 2018
- 3 min de lecture

Quand j'y pense bien comme il faut et que je puise dans mes plus profonds souvenirs, tu es l'homme le plus romantique que j'ai croisé dans toute ma vie. Aucun, avant ni après toi, n'a cogné à ma fenêtre à 3h00 du matin (au grand désespoir de mes colocs) simplement pour me souhaiter "Bonne nuit" ou me proposer de me lever et prendre une marche. Je n'ai jamais connu d'autres gars aussi intenses en tout temps et partout tout le temps. Tu as joué dans mon cœur et dans ma tête avec un objet tranchant. Tu l'aimais rude la vie. Jamais je n'ai autant ri et pleurer en même temps avec quelqu'un. Les sentiments étaient vastes et pas toujours clairs entre nous, mais c'était nous dans toute notre complexité. Ça manquait de simultanéité. On jouait mono plutôt que stéréo, mais on s'accordait harmonieusement. On a fait bien des folies. On en a vu des étoiles et des levers du soleil. On en a mangé des toasts à rien en buvant de l'eau. On était jeune, on était fou et on s'aimait à notre mini-manière.
Nos vies se sont croisées des milliers de fois et c'était toujours un peu la même rengaine. Les bonjours et les adieux résonnaient fort et longtemps. Chaque fois, j'étais mise à rude épreuve et mes sentiments se bousculaient. Tu illuminais les orages et assombrissais la lumière. Tu avais cette force ténébreuse qui me faisait peur et me rendait aussi solide qu'une guerrière.
J'ai fait le choix cruel de te laisser tomber. Tu revenais à la charge en criant au secours. J'étais toujours là et je repartais quand la tempête se calmait.
Puis, des années sans nouvelles. Un grand silence où, chacun de notre côté, nous inventions les plus belles aventures à l'autre. Il m'arrivait vraiment souvent de penser à toi. Dans mon imaginaire, tu allais bien et tu prenais soin sagement de ta conjointe et de ton fils. La vie suivait son cours.
Un jour, j'ai reçu un message de ta part. Un message de gratitude. Tes mots étaient doux et rassurants. J'ai su que tu allais bien. J'allais merveilleusement bien aussi. Tu voulais qu'on se rencontre juste pour le plaisir. J'ai voulu accepter, mais j'ai reculé. Qu'aurions-nous eu à nous dire après tant d'années? Pis, pourquoi?
...
Quelques mois plus tard, j'ai reçu un appel de ta famille pour m'informer que tu avais disparu. Disparu comme envolé. Disparu comme dans perdu. Les jours qui ont suivi ont été pénibles pour toute ta famille et tes amis proches. J'imagine que malgré les 5 années qui marquent aujourd'hui ta disparition, ils souffrent encore énormément.
De mon côté, je me mets en colère chaque fois où je t'aperçois dans une foule et que tu n'es pas là. J'en veux au gars qui sort du dépanneur et qui te ressemble tant. J'ai imaginé 1 000 fois le scénario dans lequel je tombe réellement sur toi dans un lieu public et j'ignore encore quel sentiment j'éprouverais de te revoir en vie. Je me demande quel sentiment prendrait le dessus. Est-ce que je me jetterais à ton cou pour manifester ma joie ou est-ce que je me jetterais sur toi à grands coups de poing prise de colère? J'ai longtemps pensé que tu nous faisais une mauvaise blague, que tu avais fait une mise en scène. Puis, non!
Tu es (ou étais) un homme de cœur et jamais tu n'aurais fui ton fils. Jamais tu ne serais partie sans dire au revoir à ton meilleur chum. Quelque chose s'est réellement passé. Le bout vraiment chiant c'est de ne pas savoir si je dois parler de toi au passé. Le bout douloureux c'est le regret que j'éprouve de ne pas avoir pris le temps d'aller prendre un verre avec toi.
Les circonstances de ta disparition sont nébuleuses pour tout le monde comme c'est souvent le cas avec les disparitions. Rien n'est clair. Je soupçonne même les extraterrestres de t'avoir enlevé afin d'étudier le phénomène rare que tu étais.
Depuis ta disparition, plusieurs personnes sont portées disparues: des personnes âgées, des enfants, des mamans, des papas. Chaque fois que les médias nous annoncent que l'individu a été retrouvé vivant, je suis profondément soulagée. Malheureusement, j'ai l'impression que la règle du "Un de perdu, 10 de retrouvés" ne s'applique pas.
Dans quelques jours, je soulignerai intérieurement les 5 années de ta disparition. Je repasserai dans ma tête certains de nos meilleurs moments avec un sourire béa. J'entendrai ton grand rire trop fort. Je verrai ton grand sourire et tes yeux bleus. Je penserai à toi vraiment fort Benoit. Tu me manques bel ami. Si tu me téléphonais ou m'écrivais aujourd'hui pour me demander de prendre un verre avec toi, je te répondrais tellllllllllement "Pis, pourquoi pas!"
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